Les ateliers de Growth Hacking, que je mène avec plusieurs entreprises, m’ont donné envie de livrer une série d’articles pour raconter la réussite de certaines startups.
Beaucoup d’entreprises sont à la recherche d’UN ingrédient miracle pour réussir. Comme si un coup de baguette magique pouvait décupler l’activité de ces startups.
À chaque fois, je tiens le même discours : L’image de la réussite est erronée. On raconte tellement d’histoires à succès qu’on en oublie la réalité, comme celle de passer par de nombreux échecs, de tests et de remises en question. Tout le monde recherche le « hack magique » ou la martingale pour faire exploser son acquisition. Mais cette vision est fausse. Bien entendu, il peut y avoir des coups de pouces du destin, de bonnes idées à un instant T, mais la réussite est l’addition de multiples opérations effectuées de façon opportune sur la durée.
Grâce à cette série, je voudrais vous montrer TRÈS CONCRÈTEMENT comment des entreprises ont su construire les tractions nécessaires à leur acquisition et non « réussir des coups ».
Pour commencer, prenons l’aventure de Comet, une station intelligente qui rapproche freelances et entreprises mais également une base de lancement du « Future of Work ».
Si une idée n’est pas bonne, savoir faire pivoter son produit
Comet, c’est avant tout l’histoire de trois potes d’écoles d’ingénieurs, passionnés d’aéronautique, qui, pendant leurs études, nourrissent l’idée une marketplace qui faciliterait le placement des stagiaires.
Leur première expérience professionnelle, respectivement en SSII pour Charles et Valentin et en robotique pour Joseph, ne durent que 18 mois mais leur donne des convictions :
- Le statut de salariés ne leur plaît pas et ils souhaitent bâtir leur propre aventure
- La mission première sera de rendre les individus plus épanouis dans le monde professionnel
- L’univers des SSII est un marché particulièrement sclérosé et le recrutement de prestataires informatiques un processus opaque et manuel
Ils décident donc d’abandonner leur idée initiale d’une marketplace pour stagiaires afin de secouer le modèle à l’ancienne des SSII. Ils se réunissent alors, tous les soirs de l’été 2016, pour élaborer un business model mais surtout imaginer une plateforme sur laquelle des prestataires indépendants pourraient offrir leurs services à des entreprises avec une grande transparence des prix.
Savoir surfer sur les bonnes vagues
Cette orientation pour révolutionner ce service aux entreprises fait sens car ils prennent également conscience de :
- l’essor du « freelancing »
- la recherche de transparence sur ces recrutements
Durant cette période, ils passent également beaucoup de temps à construire des Landing Pages qui devront servir à attirer freelances et entreprises avec un message impactant. En revanche, ils n’envisagent pas à ce stade la création d’un site internet tant ils sont loin de connaître les bonnes pratiques à suivre en digital. Surprenant !
1 000€ de capital mais pragmatiques
Pour financer leur lancement, ils conçoivent une structure bicéphale avec une entreprise type SSII classique pour placer directement des prestataires et amorcer des premiers revenus et une autre dédiée à la plateforme, qui mettra en relation freelances et entreprises.
Ce pragmatisme, qui leur confère du temps et de l’argent, permet de lancer l’histoire de la startup puis rapidement de rencontrer les équipes de The Family, qui les challengeront sur leur positionnement et leur business plan.
On est donc loin d’un amorçage miracle.
Le mieux est l’ennemi du bien
Pour développer la plateforme, Joseph, le CPO, s’y colle avec pour objectif de construire une appli à l’attention des entreprises. Cette appli doit valider la vision révolutionnaire et dès le début présenter une solution capable, à travers un algo de matching, d’aider les entreprises à trouver le bon prestataire.
La méthodologie adoptée est une vraie claque à tous ceux qui défendent l’importance de sortir le produit parfait avant de se lancer. Joseph fait le choix de Bubble, qui permet de construire une application web sans une seule ligne de code. Fou non ? Ils iront pourtant jusqu’à réaliser un CA de 500 000€ mensuel dessus. Et le marketing dans tout ça ? Côté Front-End de simples images avec une roue qui tourne pour faire mordre les entreprises au côté Intelligence Artificielle.
Ne pas chercher à combler tous les besoins
On parle souvent de comprendre les besoins de son client. Les trois associés se sont concentrés sur le besoin premier de leurs cibles :
- Les entreprises veulent des prestataires disponibles immédiatement
- Les freelances veulent des missions
Pour les autres besoins, ils verront plus tard.
Rencontrer sa cible
Le défi suivant est alors de faire connaître la marque et le produit aux différents acteurs, avec comme plus gros challenge celui de se faire connaître des entreprises.
Pour cela, ils comptent bien évidemment sur leurs précieuses Landing Pages mais également sur de très jeunes ressources, dont le rôle est d’animer les comptes Facebook, Twitter, LinkedIn pour faire alors connaître Skillee, ancien nom de Comet. Cette stratégie de communication s’accompagne également d’emailings et newsletters.
L’impact de toutes ces actions est pourtant quasi nul avec un manque de cohérence et de stratégie dans les actions menées.
Le Game Changer qui donne de la crédibilité au projet
Pendant ce temps, Charles et Valentin, business developers dans l’âme se lancent à l’assaut des entreprises pour les convaincre d’avoir recours à leur plateforme.
La méthode commerciale leur ouvre les premières portes et c’est avec culot et audace qu’ils remportent leur premier gros « deal » chez Renault Digital et ainsi placent pour quelques mois une quarantaine de freelances, trouvés un peu parmi la petite communauté, beaucoup sur LinkedIn.
Ce contrat constitue la soupape de confiance pour les trois associés, qui grâce à une première levée express en love money recruteront ensuite leurs premiers salariés, fin 2016, dont Darwin, un Growth Hacker. Sa mission : faire grossir la base de freelances.
Construire une communauté appétente
La proposition de valeur est alors plutôt attractive pour les freelances, qui voient d’un bon œil le développement de ce type de plateformes. L’offre n’est pas encore saturée et l’équipe marketing parvient à coup de scrapping LinkedIn et d’emailings à constituer une communauté ensuite réunie sur Slack (j’en faisais alors moi-même partie à l’époque). De premiers apéros bières-pizza voient également le jour répondant ainsi à un besoin communautaire de cette cible trop souvent isolée.
Cette base grossit progressivement pour atteindre 2 000 freelances fin 2017, et ainsi permettre à l’algorithme de taper dans un vivier bien plus fourni.
Définir le projet identitaire
De l’avis de Valentin, ce défi n’est pourtant pas le plus important dans la croissance de la startup car il faut encore mener des tractations acharnées pour convaincre les entreprises. C’est dans le courant de l’année 2017, que l’entreprise va poser les bases de ses tractions futures :
- Début 2017, Yoann Lopez, qui est aujourd’hui Chief Marketing Officer, est recruté.
- En février 2017, les trois associés sont contactés par Skilly, une solution de qualification de profils et se retrouvent confrontés à un trilemme : un rapprochement, un rachat ou un changement de nom. Ils opteront finalement pour le dernier.
- Quelques semaines plus tard, ils finalisent un premier tour de Seed pour un montant de 2 millions d’euros et une levée de fonds effectuée en à peine un mois avec l’aide de The Family
Le travail sur le changement de nom est fondamental dans le positionnement identitaire de l’entreprise et dans sa réussite à venir.
Comet, le nouveau nom n’est pas le fruit du hasard mais d’un profond travail collaboratif : les différents salariés proposent leurs idées, des ateliers de brainstorming sont menés, une agence de communication (Lord) est également impliquée.
Pour lier tout cela, la patte de Yoann, le nouvel arrivant, est alors cruciale et sa sensibilité pour l’identité marketing permet à tous de se poser les bonnes questions. Mission, valeurs, vision, tout y passe au cours des ateliers, séminaires et autres weekends de réflexion. Il s’inspire pour cela de la notion de Brand Sprint, décrite dans cet article Medium et propose ainsi une méthodologie à suivre pour définir la raison d’être de l’entreprise (why, what et how pour les habitués de Simon Sinek).
C’est finalement autour d’une passion commune aux trois associés que l’identité future se construira, à savoir l’univers de l’aéronautique, du spatial et des planètes. Logo, changement de nom et charte graphique sont alors déclinés pour nourrir ce monde quasi-futuriste, qui colle bien avec la notion d’algorithmes sophistiqués. Si vous souhaitez aller plus loin sur le sujet de la culture d’entreprise, vous pouvez également retrouver un tuto proposé par Yoann sur le site de Maddyness , vous aidera à définir les valeurs de votre entreprise.
Une histoire à raconter
Bien que latente depuis le début, une autre idée fondamentale émerge de ce travail : Comet va œuvrer autour du thème du « Future of Work », à savoir penser et concevoir la façon de travailler de demain.
Cette thématique va venir nourrir la base éditoriale de l’entreprise dans sa production de contenu. L’objectif est bien entendu d’adopter une position d’experts sur le sujet.
La première déclinaison prend la forme de livres blancs pour éduquer les entreprises dans leur collaboration avec des freelances. Les startups sont alors la principale cible de prospects identifiée.
Afin de créer un lien avec les entreprises, une newsletter hebdomadaire soutenant la ligne éditoriale, déclinée autour des thèmes du freelancing, de la tech et de l’organisation du travail est ensuite créée et envoyée tous les dimanches soirs. Rédigée sous un ton convivial et ponctuée de gifs, elle instaure une proximité avec les destinataires.
Cette newsletter, à destination des entreprises, mais qui ne manque pas d’intéresser les freelances, reprend alors un certain nombre d’articles, sur lesquels les fondateurs expriment un point de vue marqué.
Entre newsletter et livres blancs, les premières tractions se mettent en place
Entre acquisition organique et payante (via la newsletter de Petit Web ou Frenchweb), le contenu produit génère un nombre croissant de leads. L’effet boule de neige est en marche et, fin 2018 :
- La newsletter est envoyée à 2 500 personnes
- Les livres blancs génèrent des centaines de leads par mois
Je prends le temps d’insister sur cette partie car c’est souvent là que le bât blesse : ne faites pas l’erreur de croire que c’est l’action d’envoyer une newsletter qui génère le succès. C’est bien ce qu’il y a de dedans qui est vecteur d’adhésion et de fidélité.
Pour bien comprendre ce qui a fonctionné à cette étape, j’ai repris le podcast Goldfish, dans lequel Yoann évoque la stratégie de contenu de Comet et j’ai également échangé avec ce dernier :
- Les sujets abordés résonnent auprès de leur audience (par exemple le télétravail). Il y a donc une adéquation forte entre ce que recherche la cible et le contenu préparé
- Le contenu est riche, argumenté et intelligible (à l’image des articles de First Round Review, source d’inspiration)
- Qualité et talent sont intrinsèquement au rendez-vous de ces articles grâce à de bons rédacteurs et une certaine forme d’exigence
- Le ton et le positionnement, venus de façon très naturelle permettent de sortir du lot
- Bien évidemment, on ne parvient pas à cela du premier coup, mais bien à force de tests et d’itérations.
Le bénéfice de ce contenu pour Comet est multiple mais c’est surtout la notoriété qui décolle, facilitant ainsi le travail commercial et l’attractivité de la plateforme.
De très bons exemples de Growth Hacking à citer
Courant 2017, un modèle du genre en Growth Hacking est proposé avec le lancement d’un outil pour permettre aux freelances de calculer leur taux journalier moyen. Une page web dédiée avec formulaire est alors créée et promue auprès de la base existante via un emailing, et auprès de groupes de freelances sur Facebook ou LinkedIn. A travers cette action, ce sont plus de 2 000 contacts de freelances obtenus.
Autre idée de Growth Hacking développée : une extension sur Chrome pour permettre aux freelances de supprimer facilement en masse des connexions (notamment les recruteurs) sur LinkedIn. Environ 500 leads de freelances sont obtenus via cet outil.
L’âge de raison
A un tel stade, vous pensez sans doute que l’aventure est lancée et que plus rien ne peut arrêter la machine. Et bien non. Malgré une importante levée de fonds de 14 millions d’euros en avril 2018, tout n’est pas si fluide et il s’en suit même 8 mois plutôt atones. Pour preuve de cette situation, deux des trois associés ont vu leur position évoluer :
- Joseph, tout d’abord, qui s’épanouissait davantage dans le début de l’aventure n’est plus en phase avec les autres associés, et il quitte l’aventure durant l’été 2017 et est remplacé par un nouveau CTO en la personne d’Arnaud.
- En janvier 2019, c’est le rôle de Valentin, jusqu’ici en charge des opérations, qui change avec l’arrivée d’Éric, un nouveau COO plus senior, ce qui lui permet de se concentrer sur le développement d’un nouveau projet de l’entreprise : CometFleet.
Avec ces mutations, Comet rentre également dans une nouvelle sphère, plus méthodique, moins insouciante, avec comme objectif principal la croissance du CA.
Côté marketing, de nouveaux contenus voient le jour avec des livres blancs déclinés par secteur. Des études et analyses avancées, couvrant différentes industries et offrant ainsi un benchmark aux entreprises, sont produites.
Pour les freelances, le contenu devient également plus documenté et fourni :
L’essor LinkedIn
En 2019, le travail de contenu est transposé sur Linkedin où les comptes de Charles, le CEO et de Yoann, le CMO, drainent un engagement très fort à travers des posts, dont le but est de prodiguer des conseils et de partager des outils de travail aux entreprises.
Pour mieux comprendre l’efficacité de cette stratégie, je vous invite à reprendre l’historique de leurs publications ainsi que les articles LinkedIn rédigés.
De l’avis de Yoann, ces posts sont un vecteur fort d’engagement et de fidélisation pour accroître la notoriété de Comet. Ils sont au coeur de l’idée de partage et de transparence très chère à Yoann, qui inspire ainsi des centaines d’entrepreneurs et de salariés, confrontés à des problèmes similaires.
Des leads toujours à convertir
Début 2019, Comet opère un changement stratégique important et la priorité de développement est axée autour des grands groupes.
C’est pourquoi, l’outbound marketing (développement commercial) reste aujourd’hui le plus gros moteur de leads.
L’effort marketing vient supporter ce changement car il permet d’accroître la notoriété de la marque. Le travail d’inbound marketing permet lui de générer des centaines de leads chaque mois auprès de PME.
Côté produit, les algorithmes et l’outil de recherche se sont structurés pour permettre davantage d’autonomie aux entreprises dans leur quête de freelances. La plateforme Comet en répertorie près de 7 000.
Quelle est donc la bonne approche pour faire décoller une startup ?
Vous l’avez bien compris, il n’y a pas beaucoup de magie dans l’ascension de Comet et son histoire est faite de nombreux pivots. Vous dire que travail et opiniâtreté sont des valeurs fondamentales n’est pas une surprise. Mais de mon côté, à la lecture des ateliers, que j’évoquais en introduction, je retiens surtout les éléments suivants :
- Le travail identitaire est essentiel dans l’acquisition organique, pour donner de la visibilité à votre marque ou votre produit et ainsi faciliter la rencontre avec votre cible. Growth Hacking et Brand Identity ont fonctionné ensemble pour amplifier la notoriété
- Définir une ligne éditoriale cohérente et intéressante pour votre audience est bénéfique tant pour renouveler votre contenu que pour le produire. Il en résultera un succès quasi-évident
- Il vaut mieux passer 20 heures sur un contenu de qualité plutôt qu’une heure sur une vingtaine de contenus médiocres. Les bénéfices long termes sont incomparables
- Je le répète souvent à mes clients : l’acquisition payante (Facebook Ads, LinkedIn Ads, etc.) ne doit servir qu’à amplifier une traction organique déjà existante. Si l’organique ne fonctionne pas, le payant ne fonctionnera pas non plus
- Si vous comptez sur des personnes inexpérimentées pour couvrir des tâches qui requiert de l’expérience alors vous perdez votre temps. Cela revient à vouloir gagner la ligue des champions avec une équipe d’amateurs 😉
- De même, n’espérez aucun miracle en optant pour des actions menées sans conviction et sans cohérence. Cela n’exclut pas pour autant l’idée de tester et de tenter des choses