Dimanche 27 janvier 2019. 11h30 du matin. 2°C.
Ce jour pluvieux, devant le restaurant Mamma Primi du 17ème arrondissement de Paris, la queue est bien là, toujours là. Comme si depuis trois ans, depuis le lancement de chaque restaurant du groupe Big Mamma, des campements d’individus avaient choisi de squatter les rues annexes.
Pourtant, il ne s’agit pas d’une manifestation, mais bien d’un groupe d’individus, trépignant d’impatience à l’idée de déguster des recettes italiennes.
Avec une telle météo, comment envisager de faire la queue ne serait-ce que 10 minutes pour aller manger une pizza ? Quelle force surnaturelle pousse ces individus à se soumettre avec un tel degré de flagellation ?
D’autres marques ont su, à différents instants, générer une telle attractivité. Cette frénésie n’a donc rien de nouveau, mais le cas du groupe Big Mamma intègre de nombreux aspects très modernes, comme Instagram, le tourisme vécu comme une expérience immersive, la frénésie de la peur de manquer (FoMO), un bouche-à-oreille millimétré et bien sûr des produits à la mode (burratta, spritz, etc.).
En ce sens, pour n’importe quelle marque, n’importe quelle startup et n’importe quel produit, sa réussite représente un cas d’école brillant. Car, en somme, Big Mamma c’est un peu comme si Le Fooding, Airbnb, Instagram et Merci Alfred s’étaient associés pour lancer un business.
Cela ne peut donc qu’être tendance, stylé, et surtout donner incroyablement envie de vivre et raconter l’expérience.
Une compréhension minutieuse du marché
La première étape de ce succès repose sur un constat bien précis du secteur de la restauration parisienne : l’image du serveur parisien, impoli et glacial peut, à certains égards, sembler sexy ou encore typiquement française. Elle n’en reste pas moins catastrophique pour l’expérience du consommateur, sans parler du touriste, incrédule devant une telle caricature.
Le défi de l’amabilité ne faisait pas tout. Il a fallu faire un autre constat, qui est celui du rapport qualité prix. À Paris, manger très bien dans des lieux branchés, c’est cher avec une qualité souvent assez moyenne. C’est pour cela que ses deux fondateurs ont vu les choses en très grand, pour que le nombre de couverts quotidiens assure une marge juteuse dans chaque établissement tout en respectant des standards de qualité prix très élevés à Paris.
Enfin, si vous avez déjà discuté avec des personnes du monde de la restauration à Paris, vous saurez que réussir dans ce secteur, c’est 50% de travail et 50% d’immobilier. C’est pour cette raison que le groupe n’a pas fait le choix d’emplacements de première catégorie, mais au contraire de locaux atypiques, souvent mal exploités et ainsi aux loyers plus attractifs.
=> Vous devez parfaitement maîtriser les tenants et les aboutissants de votre marché et de votre audience pour rédiger les articles adéquats sur votre blog, pour choisir les mots justes sur votre site, pour intégrer les éléments de réassurance décisifs sur votre landing page, pour proposer des tarifs et des promos adaptés, pour utiliser le meilleur ton sur les réseaux sociaux, etc. Vous devez apprendre à vous concentrer sur les besoins les plus fondamentaux de vos clients.
Le nouvel arrivant du secteur de l’assurance, Alan, constitue un autre très bon exemple (podcast à découvrir sur le sujet). Offrant dans le contenu de ses articles des réponses simples aux questions des particuliers sur les mutuelles ou les assurances, cet acteur a su émerger face à la nébuleuse opaque d’acteurs solidement établis.
Comprendre tous les points de friction des consommateurs existants et les problèmes, que vos concurrents n’ont pas résolus, vous dévoileront de nombreuses opportunités pour votre stratégie digitale.
Une expérience dix fois supérieure à la concurrence
Chaque nouveau restaurant implique une mise de départ assez conséquente. L’équipe Big Mamma ne lésine donc pas sur les investissements, 2 à 3 fois supérieurs par mètre carré.
Architecture travaillée, cuisine ouverte pour une ambiance chaleureuse, décoration raffinée et originale, enceintes Devialet dernier cri au mur, vaisselle old school mais ultra tendance : le résultat esthétique est parfaitement réussi. Sur de tels espaces, le défi était de taille.
Ce décor, couplé avec un service qui frôle le sans-faute, écrase littéralement toute concurrence à Paris. En tant que consommateur, on a l’impression de monter dans un avion en classe affaire, avec un serveur attitré, souriant et aimable, une personne dédiée spécifiquement aux boissons et un temps d’attente extrêmement court.
Si en plus la nourriture y est très bonne et à des prix très abordables à Paris, il n’y a plus de questions à se poser sur l’état orgasmique du visiteur. Vous profitez d’un moment hors du temps et n’êtes pas loin de sortir du restaurant, prêt à vous saisir d’un mégaphone, pour hurler votre bonheur.
Le business plan stipulait certainement de donner du plaisir, dépassant ainsi largement toute attente du consommateur pour lui faire vivre une expérience marquante. Dans le secteur de la restauration, c’est une vraie prouesse au-delà de deux ans. Transcender l’expérience client permet au groupe de sortir du lot.
=> Ainsi, vous devez souligner ce qui démarque votre produit pour le faire rayonner.
Livraison rapide, service clients irréprochable, prix imbattables, fonctionnalités avancées, produit exceptionnel, etc. : cela requiert une excellente assimilation de vos forces et une très grande exigence pour dépasser la norme habituelle et maintenir un niveau constant.
Uber ou encore Deliveroo l’ont parfaitement assimilé à leur lancement, avec respectivement une qualité de service supérieure à celle des taxis ou une offre de restaurants alléchante en livraison. Tout effort de communication (payant ou non) était ensuite axé autour de cette idée.
Un intérêt instragrammable
A défaut de mégaphone, les clients des restaurants Big Mamma ont trouvé via leur téléphone un excellent outil pour communiquer leur bonheur. Savez-vous par exemple que le Pink Mamma, situé dans le 9ème arrondissement, est le restaurant le plus instagrammé de Paris ? Il suffit de s’y rendre pour mesurer le phénomène et voir 3 ou 4 personnes se faire photographier à tour de rôle sous la verrière du dernière étage le temps de votre repas.
Design d’exception, pornfood, expérience transcendante, sentiment d’être dans the place to be : tous les codes d’Instagram sont réunis pour drainer une communication des plus naturelles et des plus efficaces, à savoir des milliers de posts, qui assurent une promotion massive, efficace et sincère.
Un client très satisfait ou même agréablement surpris est un client qui parle. Au-delà des posts Instagram, combien de déjeuners professionnels ou de pauses café ont pu être agrémentés d’un « hier j’ai diné chez Popolare, le nouveau restaurant du groupe Big Mamma » ?
Si les parisiens ont rapidement été séduits, que dire des hordes de touristes ? Avec l’expansion d’Airbnb, l’expérience touristique a fortement évolué ces dernières années, vers une recherche d’authenticité locale. Via Instragram, Big Mamma s’est parfaitement rendu visible auprès de cette communauté, de passage mais rudement bien informée.
Ce bouche-à-oreille réel ou virtuel est renforcé par le plaisir d’identification. La machine est alors en route pour générer la fameuse peur de manquer (Fear Of Missing Out) et ainsi rendre l’expérience incontournable.
=> Ce sont les clients, fiers d’avoir validé leur ticket, qui ont été les meilleurs portes-paroles de la marque. Quel est le rôle des fondateurs du groupe dans tout ça ? Il est d’avoir donné des billes à cette audience, avide de design, de gastronomie alléchante et d’instants plaisirs.
Analysez, vous aussi, comment votre audience est susceptible de faire votre promotion. Cela peut passer par des stratégies de parrainage, qui impliquent une récompense attractive pour votre cible ou par des publications susceptibles d’être partagées sur les réseaux sociaux, ou encore très bien référencées en SEO. Pour cela, vous devez faire rêver votre audience, la flatter, la faire rire, l’émouvoir ou lui offrir de quoi se mettre en valeur.
Une identité minutieusement travaillée
Chez Big Mamma, vous ne mangez pas du jambon, de la buratta ou buvez un simple spritz. Vous dégustez le jambon le plus hype de la Botte et la meilleure mortadelle artisanale de Bologne. Vous savourez, à la petite cuillère, une stracciatella fondante fumée, à savoir juste le crémeux de la burrata (extraits de la carte). Vous hésitez devant une carte de cocktails, qui n’a rien à envier aux meilleures adresses de la capitale.
Au-delà de l’effet suggestif, vous devinez tout le travail identitaire qui se cache derrière ces menus (sans parler du travail de ce qu’on appelle le menu engineering visant à minimiser les frictions du consommateur sur une carte) .
De plus, les fondateurs n’ont pas seulement ouvert des restaurants italiens, ils sont aussi passionnés d’Italie, parlent couramment italien et, avant de se lancer, ils ont parcouru tous les recoins de la grande Botte pour y sourcer les meilleurs produits.
Pour faire tourner les restaurants, pizzaïolos et serveurs arrivent tout droit d’Italie, habités d’une bonne humeur communicative, qui traduit le plaisir de vivre une aventure nouvelle et plaisante. Il aurait été impensable de jouer la carte de la cuisine italienne sans une immersion des plus totales. Voilà encore un défi amplement dépassé par les deux jeunes fondateurs pour vendre une histoire unique, que l’on a envie de partager et qui marque les esprits.
=> Pour votre marque ou produit, l’objectif est similaire. Une identité offre une cohérence d’ensemble, qui rend l’effort de mémorisation plus simple pour le consommateur assurant ainsi une communication plus efficace. Il ne s’agit pas nécessairement de survendre, juste d’embellir l’histoire pour que l’on se souvienne de vous et ainsi ne pas rester une marque comme les autres.
J’aime répéter à mes clients, que les campagnes payantes d’acquisition ne sont que l’amplificateur d’une réalité organique. Sans identité, il n’y a pas de lisibilité et c’est d’autant plus vrai en 2019.
Tester auprès d’une communauté restreinte
Avant l’ouverture du premier restaurant à Paris, les produits n’ont pas été sauvagement jetés dans la fosse parisienne et les équipes n’ont pas été directement confrontées aux dures lois de la capitale.
Ils ont été soigneusement mis à l’épreuve pendant plusieurs semaines tout d’abord dans un restaurant éphémère à Gordes puis dans la cafétéria d’HEC pour roder les habitudes et surtout tester l’intérêt pour le concept.
Cela enrichit certainement le storytelling de cette aventure mais, en réalité, cette étape de préparation est brillante de lucidité et d’exigence lorsqu’on réalise des investissements de cette envergure. Essuyer certains plâtres au lancement du premier restaurant parisien aurait pu être fatal.
=> Lancer un nouveau projet requiert de la patience et une bonne dose de perfectionnisme car l’excitation du lancement prend souvent le dessus.
Recevoir des premiers feedbacks sur votre appli, tester votre parcours utilisateur, faire relire vos articles, comprendre l’impression que laissent vos posts ou vos visuels sont autant d’éléments que vous pouvez préparer sur une population réduite pour les retravailler et ainsi peaufiner votre lancement.
Une sincérité non feinte
Après cet argumentaire, vous pouvez croire en une machination dont l’unique objectif est de développer un géant de la restauration. Le profil des actionnaires ne contredit pas cette thèse.
La passion, qui accompagne un tel projet, doit être bien réelle pour hisser la qualité à ce niveau d’exigence. De plus, il faut bien une forte dose de sincérité pour maintenir une bonhomie aussi longue entre les équipes, assurer une qualité continue dans la cuisine et faire revenir à maintes reprises des consommateurs, pourtant toujours privés de réservations.
Que retenir ?
Je vous invite fortement à vous inspirer de la réussite du groupe Big Mamma pour rendre votre stratégie digitale efficace. Il ne s’agit pas d’une réussite bâtie sur un budget marketing colossal, elle n’implique pas de landing pages, de formulaires ou de maîtrise du SEO ou du SEA. Pourtant la viralité en ligne est bien là et l’acquisition au rendez-vous.
La réussite du groupe Big Mamma est le fruit de trois éléments fondamentaux :
- le client, au centre de toutes les attentions
- une incroyable identité de marque
- un produit parfaitement positionné dans son marché
Et, si dans un futur plus ou moins proche, l’expérience dans les établissements du groupe venait à se dégrader, les fondateurs devront se rappeler que le consommateur moderne est intransigeant et surtout a la mémoire très courte. Il pourra alors sanctionner le produit aussi vite qu’il l’a promu.